Dans l'[épisode précédent](/articles/On%20va%20à%20la%20pêche.html), nous avons vu que tester chaque case de la «rivière aux Barpaus» une fois seulement avant d'aller pêcher sur la suivante augmentait les probabilités de rencontrer un Barpau pour un nombre de pêche donné, et donc que, statistiquement, cette stratégie de pêche diminuait le nombre de pêches à tenter avant de trouver une «case à Barpau» (pour reprendre les notations de l'article précédent, `C⁺`, sérieusement allez le lire si vous ne l'avez pas déjà lu, sinon celui-ci n'a aucun intérêt).
La méthode que nous avions suivie reposait sur une hypothèse, tout à fait fondée initialement mais de plus en plus discutable et même carrément fausse au-delà de 394 cases testées dans la rivière, qui consistait à considérer une distribution uniforme de probabilité pour les cases `C⁺` (c.f. le début du § «Stratégie, stratégie»). Mais comme nous l'avions vu, les tirages ne sont pas indépendants et `P⁺` évolue au fil du résultat de nos tirages, puisque par exemple si nous observons 6 cases distinctes avec des Barpaus, alors il n'est pas besoin de poursuivre l'expérience : la probabilité que les autres cases contiennent des Barpaus sachant cela est nulle (sauf blague de l'équipe de développement du jeu, mais si l'on accepte la prémice «il n'y a que 6 cases contenant des Barpaus dans cette rivière» alors elle est bien nulle). Et si on regardait un peu plus en détail comment cette fonction de probabilité évolue au fil des tirages et de leurs résultats ?
## Une méthode
Pokémon est un jeu formidable. En plus de fuguer de chez ses parents à tout juste 10 ans et demie pour capturer des animaux sauvages et organiser des sortes de combats de chiens, on y fait des tas de choses : on y fait du vélo, on cultive des plantes et on pêche. Soyez donc sans craintes, car c'est bien de pêche virtuelle dans ce jeu dont il s'agit. Je ne vous invite en aucun cas à rompre le confinement pour aller vous asseoir au bord d'une rivière et aucun poisson réel n'a été blessé ni même contrarié dans ses velléité de rester peinard au frais et au fond de l'eau dans la préparation de cet article.
Les gens qui ont créé pokémons aiement les farces et les histoires morales et c'est la raison pour laquelle existe Magicarpe. Magicarpe est un gros poisson sans capacité d'attaque aucune, ce qui le rend extrêmement dur à faire évoluer. Tout dresseur·se raisonnable l'abandonnerait au bout de quelques niveaux en voyant qu'il n'a toujours appris aucune compétence utile et bim ! Sans prévenir, niveau 20, le voilà qui se transforme subitement en un dragon, monstre de rage et de destruction. Comme quoi faut se méfier des faux-calmes.
Ça, c'était dans la toute première génération de Pokémon. Au cas où ça ne suffirait pas, dans la troisième génération on en remet une couche avec un deuxième couple de pokémon «relou-inutile» / «méga-balèze & en plus trop beau» : j'ai nommé Barpau et Milobellus. Mais, histoire de corser un peu les choses, il est en plus super dur de trouver un Barpau. Il ne vit que dans une seule rivière, où il a une chance assez faible d'apparaître (taux de rencontre de 15% — quand un pokémon est rencontré, le jeu tire au sort de quelle espèce il va s'agir parmi les quelques espèces présentes dans une zone donnée, il n'y a que 15% de chances que ce soit un Barpau), **sur 6 cases seulement** dans toute la rivière (qui fait quand même au bas mot 400 cases). On ne vous dit pas lesquelles, ça va sans dire.
## Un peu de contexte
C'était lundi. Nous étions en train de finir d'extraire une liste de noms propres pour améliorer l'[annotation](/articles/Le%20tronçonneur%20des%20Lilas.html) de l'[Encyclopédie](https://fr.wikisource.org/wiki/Encyclop%C3%A9die,_ou_Dictionnaire_raisonn%C3%A9_des_sciences,_des_arts_et_des_m%C3%A9tiers) (celle qui n'a pas besoin d'autre titre, celle qui a fixé les règles modernes du genre, celle de Diderot & d'Alembert).
Notre annotateur n'est pas mauvais, il a été développé spécialement pour traiter du français ancien et supporte à merveille les «étoit» et autres «enfans». Par contre, il est super mauvais sur les noms propres. Il comprend qu'il s'agit de noms, mais il n'ose pas affirmer qu'ils sont propres, même en voyant leur majuscule initiale. Ce n'est pas un signe de rebellion, probablement n'y en avait-il pas assez dans le corpus annoté manuellement qui a permis de l'entraîner; toujours est-il que pour lui «Pline», «Garonne» et «Théophrone» sont des noms communs. «Sozomène» ? Un nom commun aussi.